Hier j’étais à la journée Creative days d’Adobe, qui se tenait dans la prestigieuse salle Wagram. Je vous propose un petit retour sur cet événement.
Les nouvelles fonctionnalités
La nouveauté majeure de cette suite CC (la dénomination CS est abandonnée) est le cloud 100% intégré et obligatoire. Nous y reviendrons plus tard. Pour les nouveautés des logiciels à proprement parler, je n’ai pas noté de révolutions, c’est le moins qu’on puisse dire. Voilà ce qui a été présenté :
- On peut désormais bidouiller une typo dans illustrator lettre à lettre sans la vectoriser avant (cool !).
- Toujours dans illustrator, on peut créer une forme de motif en pixels et non plus seulement en vectoriel.
- Lightroom gagne quelques fonctions anecdotiques, mais surtout permet désormais de faire ses réglages sur un aperçu, sans charger le RAW complet (cool !).
- Photoshop a un nouveau filtre qui permet de corriger le flou de bougé (j’attends de voir ce que ça donne en situation réelle).
- On peut exporter des propriétés CSS depuis les calques photoshop.
- Indesign permet de générer des QRcodes vectoriels (?!!).
- Quelques nouveautés en vidéo, mais je vous avoue que ce domaine m’intéresse peu.
Voilà, c’est tout ce que j’ai noté coté fonctionnalités, quelques trucs pratiques mais rien de transcendant.
Un pas de plus vers le web
On a ensuite rapidement pu voir les logiciels orientés création web, à savoir Edge Animate et Edge reflow, qui permettent respectivement d’animer des petites bannières en javascript via une timeline wysiwyg (à l’image de ce que proposait Dreamweaver MX avec le DHTML il y a bien longtemps), et de créer des sites en responsive design.
À mon avis, ces outils sont géniaux pour prototyper depuis des maquettes, et permettent de contrer l’image de « photoshop pas fait pour le web » qui colle de plus en plus à Adobe (encore plus depuis l’arrêt du support de fireworks).
Par contre, à mon sens, ces outils sont inexploitables en production, et en 2013 on ne peut décemment pas mettre en ligne un site ou une animation sortis tels quels de ces logiciels, tant le code généré est peu sémantique et peu optimisé.
Du cloud partout tout le temps
Si ces creative days ont été si pauvres en nouvelles fonctionnalités sur les logiciels, c’est que la vraie innovation se trouvait dans la nouvelle forme de distribution adoptée par Adobe : à partir de la prochaine version, la Creative Cloud, il n’est plus possible de se procurer une version « boite » du logiciel, et il n’y a plus non plus de différents packs de logiciels (standard, premium, master…)
La dernière version à bénéficier d’un achat de licence à vie est donc la CS6, au delà, il vous faudra vous acquitter d’un paiement mensuel pour pouvoir travailler avec vos logiciels préférés.
Niveau prix, l’offre de base sans réduction est de 62€ par mois (pour 1 utilisateur et 2 postes, Mac ou PC), et la grosse nouveauté, c’est que pour ce prix-là vous avez accès à TOUS les logiciels Adobe à volonté, sans compter les services tiers comme Typekit ou Behance Prosite et ça, c’est vraiment énorme.
Pas mal d’avantages…
Je trouve que cette formule encourage la découverte, et permet de se lancer dans l’exploration de nouveaux médias sans investir lourdement, et évitent d’être coincé comme avant quand on avait par exemple une CS standard et qu’on avait besoin de faire 2-3 bannières et une étude de cas avec After Effects par an. L’adjonction de service tiers permet aussi de bénéficier d’une offre complète et bien pensée, avec tous les outils nécessaires à la création numérique regroupés à un seul endroit. Il suffit de piocher !
En plus de cet accès illimité au catalogue, on a accès à un espace de stockage qui permet de synchroniser tous ses paramètres (outils, couleurs…) ce qui est pratique si on passe de poste en poste. Cet espace permet aussi d’uploader ses fichiers (20Go d’espace dans l’offre de base) et permet à des collaborateurs ou des clients de les prévisualiser (avec calques et tout !) et de faire des commentaires.
On peut se poser la question de la pertinence de laisser au client la possibilité d’activer ou désactiver ses calques, et de faire des micros-retours dans tous les sens, mais dans le cas d’un collaborateur pourquoi pas.
Ce système permet aussi de faire du versionning (enfin !) ce qui est une bonne idée, même si elle n’est pas très bien implémentée pour le moment. En effet, il n’y a pas de possibilité de « commit », et chaque sauvegarde est égale à une version. Ça n’a pas beaucoup de sens, car nous sauvegardons tout au long d’un projet, indépendamment de l’état du document, qui peut être un gros chantier au moment du ctrl+S.
Pourquoi créer une version à chaque fois ? Moi qui suis un compulsif du ctrl+s, je vais devoir du coup me passer de cette fonction. Ce système de versionning n’est pas dispos hors cloud, ce qui oblige à uploader ses fichiers pour en profiter. Dommage.
En résumé, c’est un premier pas vers une solution tout intégrée qui nous promet d’avoir des mises à jour régulière et l’accès à plein de logiciels et fonctionnalités intéressantes.
…mais un gros inconvénient
Les gens de chez Adobe ont tenu à démystifier la notion de cloud, car elle alimentait beaucoup de fantasmes :
- Les utilisateurs ne seront pas obligés d’upgrader leurs logiciels dès qu’une mise à jour sort si ils ne veulent pas chambouler tout le flux de travail (quid des conflits si on en upgrade que certains ?).
- Une connexion permanente n’est pas nécessaire, il faut que CC se connecte une fois par mois pour vérifier la validité de la licence, et il y a possibilité d’activer un mode hors ligne durant 99 jours.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une fois entré dans le système Creative Cloud, vous ne pouvez plus acheter la suite une bonne fois pour toute, et vous dire que vous vous en contenterez pendant des années, ce qui est gênant pour les gens faisant un usage peu intensif de la suite. Si vous êtes dans ce cas, je vous conseille d’acheter la version boite de la CS6, qui sera la dernière suite avec une licence perpétuelle.
Mais le plus gros problème demeure, et Adobe à bien pris soin d’éluder cette question : dans ce monde merveilleux, tout va bien tant qu’on paye. Si par hasard vous avez un soucis de trésorerie sur 1 mois (ou plus), vous n’avez plus accès à RIEN, tout accès vous est coupé, et, plus grave, vous ne pouvez même plus ouvrir vos propres fichiers !!
Même sans parler de problème de trésorerie, imaginez que les serveurs Adobe tombent ou soient piratés au mauvais moment : impossible de valider votre licence, et donc impossible d’ouvrir les logiciels, et impossible d’ouvrir vos propres fichiers. Imaginez que ça arrive en plein dans une phase de rush ou lors d’une mise en prod : vous êtes mal. Adobe a-t-il prévu de vous dédommager si ses serveurs plantent par manque de sécurité ?
Encore plus simplement, si dans 5 ans les tarifs passent de 62€/mois à 200€/mois, quelles sont vos options ? Vous n’avez pas le choix, pour ouvrir vos propres créations, vous devez payer.
Au niveau des prix
Par rapport à une licence CS master renouvelée régulièrement, l’offre creative cloud est clairement intéressante, surtout en entreprise type PME ou pour un freelance multi-compétence un peu touche à tout.
Il demeure quelques questions, comme par exemple l’étrange (et lucrative) conversion 1$ = 1€, et l’utilisation d’une TVA à 23% au lieu de 19,6%, qui fait qu’une fois de plus les européens vont payer leurs logiciels bien plus chers que les américains, et ce sans aucune raison valable (le prix ne change pas si on prend la suite en anglais)
Le prix mensuel d’un logiciel seul (25€/mois) est aussi assez disproportionné par rapport au prix d’une suite complète, et c’est dommage pour les métiers qui n’ont pas besoin d’avoir une suite complète (intégrateurs, community managers…). Il faudrait soit un prix aux alentours de 10€/mois pour un seul soft, ou alors, pour le prix actuel, proposer un panachage de 3 logiciel et un service par exemple.
En bref
La plus grosse nouveauté est le cloud, c’est très prometteur, très pratique, mais ça suspend au dessus des utilisateurs une énorme épée de Damoclès, car plus personne ne peut faire l’acquisition d’une licence permanente, et nous sommes désormais tous liés à la politique tarifaire d’Adobe et à leur gestion de la sécurité serveur, y compris pour des fichiers créés il y a longtemps. Si l’abonnement devient la norme pour les particuliers et le loisir à tel point que plus personne n’y fait attention, dans un contexte professionnel, on aurait préféré avoir le choix.