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Channel: Roxane » Julien Dubedout
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Facebook is the message

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Je lisais hier cet intéressant article d’Alexis Mons sur le fait que les courbes d’audience du journal « The Guardian » en provenance de Google et Facebook se croisent.

Traduction : le trafic provenant de leur application Facebook dépasse désormais celui venant des requêtes Google. Je suppose que c’est à pondérer selon le type de site cible, mais je constate que même sur mon blog perso, pourtant orienté à 100% « recherche d’infos de niche » et sans aucun module Facebook (Dieu me préserve), la plateforme de Zuckerberg se retrouve en 2e ou 3e source de trafic.

Alexis en tire donc la (juste) conclusion que nous sommes passés d’une ère d’acquisition d’audience à une ère d’engagement.

Cette conclusion s’impose d’elle même quand on travaille dans les médias sociaux, et c’est ce que nous essayons d’expliquer quotidiennement à nos clients (dans d’amusantes vidéos par exemple :) ). Mais je pense qu’il faut aussi être vigilant, car cette évolution des usages, où pour le moment tout le monde est gagnant (« win-win » comme on dit au premier étage) et qui révolutionne les interactions entre les marques et leur clients, peut soudainement se transformer en mauvais téléfilm, du genre où des gens entraînés par leur enthousiasme ramènent à la vie un monstre que l’on croyait pour longtemps endormi : le poste de télévision 3 chaînes de papy. Plongée en enfer.

Chérie, allume Facebook, le match commence !

Je ne sais pas si on peut se réjouir de cette prépondérance de Facebook dans le trafic des sites internet.

Coté utilisateurs du web, on sait déjà que les créateurs de contenu sont ultra minoritaires par rapport aux consommateurs, et l’avènement de Facebook accentue jour après jour le triomphe de l’info pré-digérée. Non seulement il y a toujours aussi peu de créateurs de contenu, mais en plus les consommateurs ne montrent plus d’intérêt à dénicher la perle rare. Ils se contentent paresseusement de « liker » et repartager, les trouvailles que leurs amis ou leurs connaissances les plus éclairées auront poussé.

Dans ce cas de figure, peut-on parler d’engagement de la part d’un utilisateur de Facebook ? Certes il est plus engagé par les liens qu’il entretient avec l’émetteur du message, mais par rapport au contenu proprement dit ? Je pense qu’avec la multiplication des recommandations, le destinataire va peu à peu saturer, et si le taux de clic peut rester important (c’est quand même ce sacré Jean-Pierre qui envoie ça, il a bon goût), il faudra très vite se pencher sur le taux de rebond des contenus poussés par ce style de recommandation.

Paradoxalement, je pense que quelqu’un qui aura cherché de lui-même une information va être plus engagé lorsqu’il la trouvera, et ira visiter ce site beaucoup plus en profondeur.

SpamVille

Et même si les réseaux sociaux font encore l’effet d’être « tout nouveaux tout beaux », nous allons de plus en plus être bombardés de « recommandations » de nos « amis » qui seront en fait autant de messages non sollicités et de spams pour tel ou tel produit. Des recommandations de plus en plus biaisées, qui susciteront de moins en moins d’engagement.

Prenons un exemple simple : vous adorez tous votre tata Paulette, et vous suivez la plupart du temps ses supers avis. Pourtant vous vous êtes empressés de créer un filtre gmail en béton armé pour filtrer ses powerpoints musicaux avec des « belles photos de paysages et des blagues » (et les powerpoints, on sait à quel point c’est nul pas vrai ?)

C’est pareil pour les réseaux sociaux : plus vous recevrez de sollicitations, moins l’engagement sera important.

Cash le chien

Pour le moment, tout le monde est à peu près à armes égales sur les médias sociaux, et nous cultivons encore ce rêve où la moindre entreprise de 3 employés peut avoir autant d’exposition que Coca Cola grâce à la magie des internets.

Pourtant, les plateformes, soucieuses de rendre rentable leur business model, vont vite migrer vers un modèle où l’argent investi chez eux fera la différence. On le voit déjà avec les recommandations sponsorisées de Twitter, ou les récentes modifications de Facebook qui incitent à acheter toujours plus d’espace pub.

De la même façon, puisque ce sont vos proches ou des personnes qui ont le plus grand impact sur vos décisions, il est tentant pour de nombreuses entreprises de prendre un raccourci dangereux : au lieu de produire du contenu pertinent et intéressant, ils sautent cette étape et passent directement à la case « achetons ces tiers d’influence ». Pour vos proches avec 12 followers, ça passera par de lourdes incitations au partage, pour les « influents » ça passera par du contenu sponsorisé.

Pour les contenus non publicitaires, le risque est qu’un algorithme ne vous propose plus que les actualités qui vous intéressent, avec l’orientation que vous aimez, de la façon que vous préférez (et, devinez quoi, les pubs ciblées qui vont avec). Adieu les articles un peu rugueux ou présentant un point de vue différent du vôtre, les surprenantes découvertes, la sérendipité. Triste.

Retour à l’ORTF ?

Les relations avec ces plateformes sont à sens unique : à eux les stats détaillées, à vous les miettes. Si vous voulez des stats, même incomplètes, sur Facebook, il vous faudra créer une page dédiée sur la plateforme. Si vous voulez, vous pouvez créer une app avec son propre système d’analytics, mais Facebook agira en vraie boîte noire quand il s’agira d’afficher les referers provenant de son domaine. Malin.

Vous perdez aussi tout contrôle sur votre contenu. Tout peut changer du jour au lendemain. Tout peut aussi devenir payant. Ou fermer brutalement. L’insécurité pour votre contenu est énorme. En tant que diffuseur, vous vous retrouvez avec quasiment les mêmes contraintes que si vous étiez édité par une chaîne de télé, avec des contrats très déséquilibrés.

À la longue, on va se retrouver à allumer Facebook le matin, zapper sur quelques chaînes qui nous intéressent, le tout entrecoupé de pubs. Certes pertinentes et ciblées, mais des pubs quand même. Était-ce vraiment la peine de faire une révolution numérique si c’est pour se retrouver devant la vieille télé de papy, qui aurait gagné dans l’intervalle les moyens d’espionner vos moindres faits et gestes ?

Alors on va tous mourir ?

Non, pas tout de suite. Déjà, on peut relativiser en se disant que ce croisement des flux de trafic (© ghostbusters) ne concerne que The Guardian, et qui plus est, ce trafic est généré par leur app Facebook, sur quelques jours seulement (la courbe repart dans l’autre sens après si on la regarde de près).

Ensuite, on parle de 30% du trafic total. N’oublions pas les 70% restants qui proviennent d’autres sites que Google ou Facebook, et sont très probablement indirectement issus d’une recherche sur un thème, après un ricochet sur un autre site, ou très classiquement par des liens externes.

Alexis dit dans son article :

« Finalement, la première idée qui m’est venue en regardant ces courbes se croiser, c’est que le Guardian n’avait plus vraiment besoin de Google »

Je ne souscris pas à cette opinion. le Guardian a toujours besoin de Google, et de tout le reste. La recherche indirecte, les liens vers ses articles… l’app Facebook ne génère « qu’un » tiers du trafic, et il ne faut rien négliger, ce serait contre-productif.

Bon mais alors on fait quoi ? C’est vous les spécialistes que diantre !

La seule solution viable est celle que nous préconisons à nos clients depuis le début : miser sur l’intelligence des gens et faire le pari que sur le long terme ils continueront d’apprécier du contenu intéressant qui leur apporte quelque chose d’utile, et le partageront avec plaisir, même s’il est issu d’une marque, et donc, de leur fournir ce contenu, indépendamment d’une plateforme.

Tôt ou tard, si les plateformes dédiées sont saturées et agissent comme de simples chaînes de télé améliorées, les clients s’en detourneront comme ils se sont détournés de la télévision. C’est l’intérêt du contenu qui génère de l’engagement, pas le fait qu’ils soit sur une plateforme qui se vend comme super engageante.

Bien sûr, toutes les marques ne jouent pas le jeu et ne suivent pas forcément nos conseils, mais ne vous y trompez pas, le vrai gagnant à la fin, celui qui engrange de l’audience et se fait entendre, c’est de toute façon celui qui produit du contenu pertinent pour sa cible, peu importe le vecteur qui lui amène du trafic.

C’était le cas quelques millénaires avant Facebook, et la bonne nouvelle, c’est que ce point n’est pas prêt de changer.


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